MIRACLE PRODIGIEUX DU SAINT ROSAIRE DE LA MÈRE DE DIEU NOTRE-DAME MARIE NOTRE-DAME, SURVENU À VILLIGEN, VILLE D’ALLEMAGNE, LE 1er JUIN 1642, ET ENVOYÉ DE FLANDRES À UN PÈRE DE L’ORDRE DE SAINT DOMINIC, dans le couvent royal de Saint-Paul à Séville.
Lieu: Villigen, Alemania
Date: 1641
Événement: Milagro, Miracle
Les effets merveilleux de la dévotion céleste du rosaire très sacré de Marie Reine des Anges, ont de tout temps illustré le monde, depuis que son premier inventeur, le glorieux patriarche Guzman, l’a publié pour libérer ses pères dévots des péchés énormes, dans lesquels par la tromperie de l’enfer ils étaient misérablement tombés, et pour les rendre légitimes héritiers de la gloire éternelle. Témoin de cette vérité l’année dernière 1641, lorsque le 28 mai à Villingen, noble ville d’Allemagne, près de la forêt hercynienne, devant le magistrat, une veuve nommée Anna Morgin, qui était une très pieuse cofadra du Saint Rosaire, fut dénoncée comme ayant commis l’horrible crime de sorcellerie. Pour quoi on la mit en prison et selon la loi, on l’interrogea sur le tourment de sa mauvaise vie et conduite, où elle avoua carrément que depuis 7 ans le diable sous la forme d’un homme, qu’elle avait aimé, la visitait et sans aucune honnêteté elle jouissait et qu’après que le ministre infernal se soit fait connaître elle lui donna son âme et son corps, reniant Jésus-Christ et ses saints, commettant beaucoup d’autres péchés trop laids pour les écrire.
Le premier jour de juin, qui était un samedi (toujours heureux pour ceux qui se consacrent au Rosaire de Marie), le magistrat se réunit pour prononcer la sentence de mort que méritaient les méchancetés susmentionnées et d’autres avouées. Craignant d’attendre en prison une décision aussi malheureuse, et disant qu’elle avait très froid, elle a persuadé le geôlier de quitter la pièce pour allumer la cuisinière, comme c’est la coutume dans ces pays. Alors que la malheureuse était attachée au lit avec des chaînes et, naturellement, incapable de prendre un couteau ou toute autre arme, le diable lui en apporta un (comme elle l’avoua plus tard), avec lequel elle se donna deux coups de couteau dans la gorge si pénétrants qu’elle tomba à moitié du lit, noyée dans son sang, ne respirant plus qu’un peu à travers les blessures de sa gorge.
Le geôlier revint et, effrayé par un tel désespoir, cria par la fenêtre à ses voisins de lui venir en aide rapidement, et envoya également informer le magistrat qui était en conseil de l’affaire. Ce jour-là, vers 10-11 heures, un ecclésiastique appelé Juan Cristóbal Ambroster entendit les voix, qui, à côté de l’église, non loin de la prison, attendait l’heure d’être au bureau divin à midi. Et alors allant avec beaucoup d’autres personnes, il trouva l’abominable sorcière dans la forme susdite, remarquant entre autres choses, que sa bouche et ses yeux étaient horriblement tordus et qu’un petit souffle sortait de son corps, qui était froid, comme complètement mort avec sa tête pendue au lit, sans aucun autre signe de vie, qu’il la laissa et continua son chemin vers l’église.
Le magistrat envoya alors deux chirurgiens publics pour examiner ce triste cas et voir si la pauvre femme vivait encore, afin de ne pas perdre son âme. Lorsqu’ils sont tous deux arrivés à la prison, ils ont regardé attentivement les deux entailles dans sa gorge et ont essayé de l’asseoir sur le lit, mais comme elle était aussi froide et aussi raide qu’un bâton, elle est retombée. Et quand les chirurgiens ont vu qu’à part une légère respiration, elle ne donnait aucun signe de vie, ils l’ont laissée comme morte et sans espoir de remède. Ils rapportèrent ce qu’ils avaient vu au magistrat, qui, à juste titre, par une sentence définitive, remit le corps, désormais jugé mort, au bourreau, qui le porta hors de la ville au lieu de torture et l’y brûla. Alors un des ministres de la ville, curieux de voir si elle était entièrement morte et sans connaissance, enleva un de ses bas, et avec une épingle la piqua sur la jambe, le pied et la plante du pied. Quand il en eut assez et qu’il vit qu’elle ne montrait aucun signe de sensation, il enfonça l’épingle jusqu’au bout dans la plante de son pied, l’enveloppa dans une vieille couverture qu’il attacha en bas et en haut avec des cordes, et la jeta dans la charrette, par une fenêtre haute de cinq pieds. Lorsque le corps tombait, on en laissait la moitié à l’extérieur, de sorte que les bourreaux le traînaient dans le chariot et le portaient jusqu’au lieu de torture, comme s’il s’agissait d’un bâton ou d’une pierre. Il y avait là un tas de bois de chauffage, auquel le chariot s’est approché et, avec des cordes attachées aux pieds du corps, ils l’ont traîné sur le dessus du tas. Mais (ô étrange cas !) à peine le bois était-il allumé, que la magicienne, sentant le feu, commença à se tortiller, en criant à haute voix : Malheur à moi ! Malheur à moi ! Et elle se roula tellement, que du feu elle tomba à terre, qu’aux yeux de tous elle semblait comme morte. Les serviteurs du bourreau lui lièrent les pieds et la tête avec des cordes et la traînèrent sur le bûcher. En jetant quelques bâtons sur elle et en la retenant avec des crochets, elle commença à se tortiller et à se relever une seconde fois, en disant à haute voix : “Jésus Marie ! Et c’est ainsi qu’elle se débattit que du pieu elle tomba à terre, ayant tous les cheveux de sa tête brûlés, et tout son corps rôti par le feu, de sorte que ce fut un spectacle épouvantable, dégageant une puanteur insupportable.
Pendant que cette malheureuse criminelle était ainsi à terre, il vint à elle un homme nommé Joan Hoener, laveur de laine, et avec lui deux femmes, Anna Maria et Lucia Trantuyns, et lui demandant si elle voulait un prêtre pour confesser ses péchés, elle leur répondit : ” Hélas, je le veux. Alors ledit Jean et le bourreau, l’un à pied et l’autre à cheval, coururent à la ville pour informer le magistrat d’un événement aussi étrange. Et sur son ordre, Don Jorge Grever, le prêtre local, envoie en toute hâte ses coadjuteurs*, Pablo Speth, à l’aide spirituelle de la femme affligée. Pendant ce temps, son entourage la consolait par des paroles pieuses, la conduisant à une vraie contrition de ses péchés et à une ferme espérance en la miséricorde divine, et lorsqu’on lui demanda, entre autres, pourquoi elle avait voulu se tuer et s’était méfiée du pardon de sa méchanceté, et comment, étant attachée dans son lit, elle avait trouvé le couteau avec lequel elle s’était blessée, elle répondit que le diable lui avait donné le couteau, Elle répondit que le diable lui avait donné le couteau et avait levé son bras pour exécuter le coup, car autrement, à cause de la grande faiblesse des tourments, elle n’aurait pas eu assez de force pour l’exécuter seule, mais que pour tout cela elle avait donné son plein consentement, comme elle le dit plus tard au prêtre à qui elle se confessa.
Le confesseur vint et fut reçu par la femme avec de grands signes de consolation, il s’agenouilla près d’elle et ne put savoir combien de temps elle allait vivre car elle parlait très doucement et ne pouvait respirer à cause de ses blessures et parce qu’elle avait été très malmenée par le feu, et aussi parce qu’elle grelottait de froid à cause de l’eau avec laquelle le bourreau avait éteint le feu dans ses vêtements. Il l’a d’abord exhortée à avoir un vrai repentir et une vraie tristesse pour ses péchés en commun, avant de l’examiner pour chacun d’eux en particulier. Et, constatant dans le discours de la confession qu’elle n’était pas en danger de mort, il entendit tous ses péchés, l’en absolvant sacramentellement et lui imposant pour pénitence cinq Pater noster et Ave Maria avec un credo, le tout qu’il l’aida à prier. Après avoir terminé sa pénitence, le confesseur lui a dit qu’elle était très impatiente de recevoir le Saint Sacrement de l’autel, ce qui était difficile car la nuit tombait et elle craignait que pendant qu’elle allait le recevoir, elle ne meure car elle était loin de l’Église. Elle se contenta de ces raisons et d’autres, le suppliant de la ramener à la ville et que le lendemain, qui était un dimanche, on lui donnerait le saint sacrement et que le lundi elle mourrait de son plein gré.
Il était six heures du soir quand le magistrat ordonna de la ramener à la ville, et ayant repris plus de force et de sens, elle dit à son confesseur : ” Oh, monsieur, qu’est-ce qu’il y a dans mon pied qui me tourmente tant ? “. Enlève-le, pour l’amour de Dieu. Alors le bourreau vint et retira l’épingle que ledit ministre de la ville lui avait mise dans le pied. Le confesseur revint pour demander où était parvenu le couteau avec lequel elle s’était fait les blessures, et elle dit comme auparavant que le diable lui avait inspiré de se tuer, ne voulant pas la quitter, et parce qu’elle y avait consenti, il lui avait donné le couteau et le lui avait mis dans la gorge, car autrement elle ne pouvait le faire, ayant perdu ses forces dans le tourment. Le confesseur a ajouté : “Comment avez-vous pu être si insensible que, lorsque la broche s’est enfoncée dans votre jambe, votre pied et la plante de votre pied, et aussi lorsque vous êtes tombé de la fenêtre dans le chariot, vous n’avez pas bougé ? Et où étais-tu après que je t’ai donné les deux coups de couteau dans la gorge ?” Elle fut très étonnée de ce qu’il disait, et répondit que les piqûres de l’épingle ou la chute de la fenêtre dans la voiture, elle savait seulement qu’un Ange du ciel l’avait conduite au Tribunal de Dieu Notre Juge, qui en présence de Marie Notre Dame l’avait beaucoup réprimandée parce qu’elle n’avait jamais confessé le grand péché de sorcellerie et autres. C’est ainsi qu’elle aurait pu être pardonnée, et pourtant elle ne devait pas être condamnée éternellement, mais devait retourner dans son corps pour avoir des douleurs et des peines de revenir à son corps pour se repentir de ses péchés, en allant se confesser et en faisant la pénitence de son confesseur, grâce qui lui fut accordée par l’intercession particulière de Marie, la bienheureuse mère dont elle avait si soigneusement touché le chapelet. Ayant fait cette déclaration, elle demanda à son confesseur que, supposant que par l’intercession de la Mère de Dieu, au moyen de son saint Rosaire, elle avait obtenu de Dieu une vraie douleur pour ses péchés, elle soit défendue des douleurs de l’enfer, Elle lui demanda de faire en sorte que ses trois filles, qui étaient d’âge tendre et savaient dire le Saint Rosaire, puissent aussi être inscrites dans la céleste Confrérie de la Souveraine Vierge du Rosaire, et qu’en reconnaissance du bienfait de la cire que ses abeilles produisaient et qui était retirée des ruches en automne, il envoie une demi-livre à l’église d’Einfidel et une autre demi-livre à la Confrérie du Saint Rosaire dans le couvent de l’Ordre des Prêcheurs.
Le lendemain, qui était un dimanche, son confesseur revint la voir, demandant d’abord au geôlier comment elle avait passé la nuit, qui répondit qu’elle l’avait très bien passée, bien qu’un peu fatiguée, mais continuant à pleurer ses fautes et avec de bonnes intentions d’améliorer sa vie. Puis le confesseur, constatant qu’elle était trop faible et que sa parole diminuait, est revenu pour la réconcilier et la préparer à la Sainte Communion. Et à 9 heures ce jour-là, la jugeant capable et désireuse de son Rédempteur sacramentel, en présence de deux députés du magistrat et d’autres personnes, il lui donna de sa main le Saint Viatique. Vers le soir, elle recouvra la parole et le confesseur, en présence du geôlier, des ministres de la ville et d’autres personnes, l’exhorta de nouveau à donner l’heure à Dieu et à déclarer où, après sa blessure, on avait supposé qu’elle n’avait pas senti l’épingle enfoncée et la jeter par la fenêtre. Elle fut, comme auparavant, étonnée de la question et répondit qu’elle ne savait rien de l’épingle qu’on lui avait enfoncée dans la jambe, ni de sa chute de la fenêtre, et commença à raconter en termes clairs et nets que par un ange elle avait été amenée devant le tribunal de Dieu et qu’elle avait été rigoureusement réprimandée pour ses grands péchés et sa pénitence, et que ce n’était que par la puissante intercession de Marie Très Sainte, à l’heure où elle avait prié son chapelet béni avec tant de soin, qu’elle avait été délivrée de la damnation éternelle.
Le lundi 3 juin, le magistrat l’a condamnée à être décapitée et brûlée. Et avant d’être conduite au supplice, elle confirma tout ce qui a été dit ci-dessus, rendant mille grâces à la très douce Vierge Marie du Rosaire et à son fils bien-aimé Jésus-Christ pour la grande faveur reçue. Après avoir été placée dans le char, elle se comporta chrétiennement sur la route, exhortant tout le monde avec des paroles ferventes à méditer les divins mystères du saint Rosaire, comme étant le singulier et unique remède pour nous défendre des désastres et des dangers de l’âme, dont en cette misérable vie nous sommes entourés, et persévérant jusqu’à la fin à en rapporter les louanges (comme nous le jugeons pieusement) elle alla jouir des repos du ciel.
Ce miracle a été examiné et autorisé en Allemagne par le très révérend Vicaire de l’évêché de Costenze, qui a donné la permission de l’imprimer. Il a été réimprimé à Colona, avec l’autorité du très illustre Vicaire de l’archevêché de Colonica. Puis en Flandre, avec l’autorité du très révérend évêque d’Anvers, il a été imprimé dans la même ville. Et maintenant de nouveau en Espagne, avec la permission du seigneur provisoire et vicaire général de l’archevêché de Séville par Iván Gómez de Blas. Et maintenant à Madrid par Juan Sánchez, 1642.
Pour voir la version espagnole, modernisée et transcrite, cliquez ici.
Pour voir la traduction anglaise, cliquez ici.